Artiste des deux rives, artiste d’entre deux rives, Habib HASNAOUI traverse en funambule la méditerranée au fil d’une vie le renvoyant sans cesse d’une rive à l’autre.

Né en Algérie, il grandit en France. Retour en terre natale pour accomplir son service militaire où finalement il s’installe pour démarrer sa vie d’adulte.

Son histoire artistique commence là, au moment où pour lui tout se met en place, où s’ecrit son destin. Mais ce qui ne devait être qu’un long fleuve tranquille se transforme en raz de marée et il est happée par les troubles qui soulèvent le pays dans les années 1990. Installé à Médéa, au cœur de la Mitidja, région surnommée le triangle de la mort, lui et sa famille sont dans l’œil du cyclone. Résigné, résistant, il ne déménage pas. A quoi bon, le pays tout entier est en sang, le tragique et l’effroyable sont partout, dans le village d’à côté, au coin de la rue sur le seuil de sa porte…

L’insoutenable ne laisse pas de place à l’inspiration et ses toiles restent vierges dix années durant.

De cette période, de ces épreuves, lui reste une conscience exacerbée des douleurs du monde, une hypersensibilité aux souffrances qui l’entourent, et des saignées dans le cœur, des saignées dans le cerveau, des saignées sur la toile… 

Au début des années 2000,il refait la traversée dans l’autre sens et retrouve les gestes du peintre. D’abord assembleur de journaux, de papiers et d’affiches qu’il coupe, déchire et froisse dans ses collages. Ensuite, tout en gardant beaucoup de matière et le papier en filigrane derrière la couleur, viennent les quais et les ports. 

Alger – Marseille – Oran. Et cette combinaison à l’infini renouvelée.

En écho à cette question de l’appartenance, Habib Hasnaoui griffonne ses œuvres d’une écriture automatique sibylline. Talisman mystérieux et incompréhensible, il exorcise sa frustration de ne pas maitriser l’écriture arabe. Il écrit une histoire qui n’est que traces, signes et intuitions, comme un hommage à sa mère, à la perplexité de sa mère analphabète face à la lettre, au mot et à la vie qui les anime.

Sa peinture est revendicative, l’artiste vit son siècle, il en ressent les moindres soubresauts, les moindres spasmes et chacun laisse en lui une fêlure. Il n’est pas dans une quête narcissique et esthétisante, le monde le traverse et jaillit en peinture. Loin d’une complaisante contemplation de ce qui l’entoure, le processus créateur chez cet artiste s’abreuve d’une perpétuelle confrontation au monde.

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